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Handicap en Mauritanie: le rêve d’une vie meilleure pour Ishag et Kenny

Par : Awa Seydou Traoré

Le 19 novembre dernier, Ishag et Kenny, en situation d’handicap, ont pris part à la marche de la fondation Okota en collaboration avec une dizaine d’associations de Mauripost vers la mosquée Ibn Abbas (Nouakchott). L’objectif de cette manifestation, est de contribuer à l’autonomisation des personnes vivant avec un handicap en Mauritanie. Une occasion pour nous de découvrir les rêves de Ishag et Kenny, pour qui le handicape n’est pas un obstacle aux ambitions malgré un quotidien difficile.

Awa Seydou Traoré, journalisme membre du FMJDH
Awa Seydou Traoré, journalisme membre du FMJDH

      Ce samedi-là, Kenny Souré s’est absentée de chez elle à PK8 (quartier périphérique de Nouakchott), pour prendre part pour la 1ère fois à une marche de soutien aux personnes vivant avec handicap. Consciente qu’il faut désormais « s’engager pour réclamer ses droits », elle était au premier rang de ce cortège sous haute sécurité.

       Dans le même convoi, Ishag Mouhamed, en boubou des grands jours, ingénieur en informatique a vibré au rythme de cette action qui entend « apporter un soutien technico financier aux personnes en situation d’handicap », sous l’impulsion de la société civile.

« Le HANDICAP NE M’EMPÊCHE PAS D’AVANCER »

      Ishag, commerçant, est aussi secrétaire général de l’Association des diplômés handicapés, et de l’Association Nadha et développement pour jeunes handicapés fondée, en 2007. Originaire d’Aïoun El Atrouss, ce jeune homme né en 1987 et handicapé moteur est titulaire d’un bac D obtenu en 2009.

      Exclu à plusieurs reprises à « cause de mon handicap », malgré tout, il étudia l’électricité au lycée commercial avant de poursuivre sa formation pour devenir ingénieur en informatique. Par la suite, il obtient un poste de surveillant au sein d’un programme du Commissariat aux Droits de l’Homme sur la pauvreté.

      Fier de ce parcours, Ishag déclare ne jamais avoir « mendié pour vivre » au contraire, pour lui « le handicap ne m’empêche pas d’avancer. » Ishag que vous voyez en fauteuil roulant, n’est pas né handicapé moteur. En effet, tombé malade en 1993, ses parents l’amènent à l’hôpital où une infirmière lui fit une piqûre. Une erreur médicale qui le conduit à ce fauteuil dont il ne se sépare presque jamais. Pour autant, il dit ne pas s’alarmer à cause de son état qu’il oublie même, estimant qu’on ne peut pas avoir tout dans la vie.

RÊVE : « TRAVAILLER DANS LA FONCTION PUBLIQUE »

      Ishag, habite au Pk 10 dans la commune de Ryad à Nouakchott. Son rêve est de « travailler dans la fonction publique », une ambition qui lui permettra selon ses dires de « réaliser ses grands projets avant de se marier » et d’avoir une autonomie financière. L’Association Nadha et développement pour jeunes handicapés lancée en 2007, où il est bénévole, offre des financements, des subventions, des cours en informatique, en couture, grillage…

      Une soixantaine de bénéficiaires ont pu obtenir leur appui et se sont autonomisés en travaillant à l’école des sourds ou au développement des grillages de jardins et forêts. Le Secrétaire général de l’Association des diplômés chômeurs se réjouit encore de l’adoption de la loi 043-2006 garantissant la protection et la promotion des droits des personnes handicapées vivant en Mauritanie. Au sein de cette association qui compte une centaine de membres, Ishag et ses collègues se battent pour le droit d’obtenir des bourses aux handicapés et plaident pour l’application effective de cette loi. Cette loi faut-t-il le rappeler s’inspire de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la Mauritanie en 2012 et publié dans le journal officiel en 2014.

      Si Ishag a pu s’instruire et militer pour ses droits, ce n’est pas le cas de Kenny qui a dû arrêter l’école à cause de complexe lié à son handicap. Il lui a fallu des années pour accepter son état mais ayant su qu’il faut s’engager désormais pour réussir malgré le handicap, elle rêve de s’épanouir à travers une activité génératrice de revenu.

KENNY, LA PRISE DE CONSCIENCE DE L’ENGAGEMENT

      Kenny Souré, 37 ans originaire d’Aleg (Brakna), est devenue handicapée moteur à l’âge de trois ans à la suite d’une forte fièvre. Comme pour témoigner de sa force d’autonomie, elle déclare : « J’ai refusé de porter des béquilles à la suite d’une bagarre avec ma sœur ». Avec ses béquilles, elle se sentait diminuée d’où son refus de s’en débarrasser. « Sans regret, elle a refusé les béquilles, on a tout dit pour qu’elle les porte, en vain » confie sa mère Lala. Depuis, elle vaque à ses occupations, sans béquilles ni chaise roulante comme pour mieux affirmer sa soif de mobilité, son degré d’indépendance.

      En attendant de trouver un travail plus lucratif, elle coud des voiles. Elle souhaite contribuer financièrement à la gestion de sa famille surtout que ses parents vieillissent. Celle qui avait honte de son handicap s’assume aujourd’hui et rêve de militer dans des associations pour mieux faire valoir son savoir-faire et son droit à l’expression. Un engagement qui pourrait changer le quotidien de Kenny, une passionnée de couture qui rêve d’offrir le meilleur à sa fille adoptive Aicha en développant un commerce.

       L’exécution effective du plan d’action de la commission multisectoriel, multi-partenarial de promotion et protection de personnes handicapées pourra faciliter les conditions de ces personnes en fonction du degré d’handicap. Ainsi il est prévu, selon Tambo Camara, membre de la Fédération Mauritanienne des Associations Nationales de Personnes Handicapées : « la mise en place d’une carte de la personne handicapée » pour permettre l’accès aux soins de santé, la réduction des frais de transport et une assistance. D’après Tambo Camara qui se réjouit de l’ouverture de la fonction publique aux handicapés diplômés : « il y a un effort depuis 2012 pour aider les personnes en situation d’handicap ». Une nouvelle qui réconfortera sans doute l’ambition de Kenny et Ishag.

Cet article a été initialement publié sur le site de RIMWEB.com en 2016. Il a été réalisé à la suite d’une formation avancée sur les connaissances juridiques et éthiques permettant d’assurer une meilleure couverture médiatique des droits humains. La production fait partie d’un lot de 20 reportages, qui ambitionnent de stimuler davantage le débat public sur les droits humains en Mauritanie.

FMJDH