Par Mohamed Diop :
Les esclaves et descendants d’esclaves, appelés Harratines ou Maures noirs en Mauritanie, ont marché, vendredi 29 avril 2016, dans la capitale mauritanienne, Nouakchott, pour réclamer des droits civiques. Les participants célébraient le troisième anniversaire du « MANIFESTE pour les droits politiques, économiques et sociaux des Harratines au sein d’une Mauritanie unie, égalitaire et réconciliée avec elle-même ». Le document a été proclamé le 29 avril 2013.
Se réclamant près de « 50% de la population mauritanienne », les Harratines se disent « marginalisés » dans un pays qu’ils estiment dominés par leurs anciens maîtres, les Beïdanes, appelés « Maures blancs ». «La souffrance des esclaves et descendants d’esclaves dure depuis des siècles et nous savons que notre combat ne sera pas aisé et que notre chemin est semé d’embûches et que seule la persévérance nous permettra d’atteindre les objectifs légitimes qui sont l’émancipation des Harratines et celle de toutes les victimes de l’injustice dans notre pays», a déclaré Boubakar Ould Messaoud, président du comité de suivi du Manifeste, devant la Place Ibn Abass qui reçoit les plus grandes marches au centre de Nouakchott.
L’esclavage a été aboli en Mauritanie depuis 1981. Les auteurs risquent jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Cependant, « le phénomène persiste » selon les organisateurs de la marche. Rappelons que la Mauritanie a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’article 8 de ce pacte stipule : « Nul ne sera tenu en esclavage, l’esclavage et la traite des esclaves, sous toutes leurs formes, sont interdites ».
Boubakar Ould Messaoud, président de SOS-Esclaves et signataire du Manifeste, a estimé que « l’élaboration des textes juridiques ne suffit pas et seule la traduction dans les faits des principes de dignité de liberté et d’égalité constitue un réel progrès.
Or, force est de constater que ce n’est pas encore le cas et que les demandes raisonnables et légitimes présentées dans le manifeste sont encore loin d’être satisfaites ».
Des cadres harratines occupent d’importantes fonctions politiques, économiques ou socio-culturelles. Le manifeste considère cependant que : « La condition générale de cette communauté demeure marquée par l’esclavage et ses séquelles : l’exclusion, l’ignorance et la pauvreté y prévalent dans l’indifférence totale des pouvoirs publics ».
STATISTIQUES FOURNIES PAR LE MANIFESTE DES HARRATINES
Se réclamant près de « 50% » de la population mauritanienne, ces Harratines, appelés aussi « Maures noirs » se disent « marginalisés » dans un pays qu’ils estiment dominé par leurs anciens maîtres, les Maures blancs. Selon le manifeste, les Harratines constituent plus de 80% des pauvres du pays, 85 % des analphabètes et près de 90 % des petits paysans sans terre.
Les Harratines détiennent « moins de 0,1% des villas et habitations de haut standing » et constituent « plus de 90 % des dockers, domestiques, travailleurs manuels exerçant des métiers pénibles et mal rémunérés », d’après le document.
Le manifeste affirme que les Harratines n’ont jamais dirigé la Mauritanie. Ils sont deux ministres en moyenne sur les 30 dernières années. Et ils font moins de 2% des hauts fonctionnaires et cadres supérieurs du secteur public et parapublic.
Les Harratines représenteraient « moins de 40 officiers supérieurs sur plus de 500 » que comptent l’armée et les forces de sécurité. Les Harratines feraient moins d’une dizaine sur 151 élus au parlement, moins de 15 sur 216 maires et moins de 12 % des conseillers municipaux.
Le manifeste souligne que « plus de 80% des élèves harratines n’achèvent pas le cycle primaire et moins de 5 % » accèdent au cycle secondaire, 5 % à l’enseignement supérieur et 2 % aux grandes Ecoles nationales et étrangères.
« Plus de 90% des diplômés supérieurs harratines, se présentant aux concours et tests nationaux, se font stopper à l’entretien ». Le document récence « moins de 0,1% d’opérateurs économiques Harratines » dans le pays. Et ces derniers ne compteraient pas de directeur de banques, de sociétés d’assurance ou du secteur financier, de directeur de radio ou de télévision.
Et le manifeste déplore que « plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers de harratines sont estimés réduits à l’esclavage ».
Cet article a été initialement publié sur le site de l’Alakhbar.info en 2016. Il a été réalisé à la suite d’une formation avancée sur les connaissances juridiques et éthiques permettant d’assurer une meilleure couverture médiatique des droits humains. La production fait partie d’un lot de 20 reportages, qui ambitionnent de stimuler davantage le débat public sur les droits humains en Mauritanie.
FMJDH